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LA MAÎTRISE DE SON CAPITAL
LA MAÎTRISE DE SON TRAVAIL

Article paru dans Entreprise nº 930 du 6 Juillet 1973 :

A.O.I.P.: Association des Ouvriers en Instruments de Précision.
Siège social :
8 à 14, rue Charles-Fourier
B.P. 301 - 75624 Paris-Cedex 13.
Tél. : 588.83.00 (10 lignes groupées)
Télex : 25690 AOIPPARIS
Capital et réserves : 24 521000 F (après répartition)
Chiffre d'affaires TTC en 1972 :
222 070 000 F.
Cash-flow net : 14 785 000 F.
Effectifs : 3 500 personnes
Ingénieurs et cadres : 211
Etudes et industrialisation : 270 ingénieurs et techniciens dont 140 pour l'électronique
Usines : 5, couvrant une surface de 50000 m2.

L'A.O.I.P., un sigle qui depuis le début du siècle a su asseoir sa réputation dans les domaines du matériel de télécommunications et du matériel de précision, mais dont beaucoup ignorent la signification exacte : " Association des Ouvriers en Instruments de Précision ".

L'A.O.I.P. est en effet une coopérative ouvrière de production, sans doute la plus importante de France, et parmi les premières d'Europe. Son évolution l'a menée dans le peloton de tête des entreprises de son secteur, mais l'A.O.I.P. a tenu à conserver son appellation d'origine qui résume parfaitement l'esprit et la philosophie de son fonctionnement interne.

Le capital aux mains du personnel

L'A.O.I.P. fut fondée en 1896 par des membres de la Chambre Syndicale des Ouvriers en Instruments de Précision. Parmi les fondateurs trois travaillaient dans l'entreprise en 1896; dix ans plus tard, l'A.O.I.P. regroupait cinquante personnes, près de trois cents au lendemain de la Première Guerre mondiale, sept cents à la veille de la Seconde, mille trois cents en 1960 et mille sept cent cinquante en 1967. Aujourd'hui, plus de trois mille cinq cents personnes travaillent à l'A.O.I.P. L'A.O.I.P. est une coopérative ouvrière de production. Sans nous étendre sur l'organisation de ce type d'entreprise (Voir Entreprise 862 du 17 mars 1972), disons qu'il s'agit d'une société anonyme dont le capital appartient exclusivement aux sociétaires travaillant dans l'entreprise.

Pour devenir sociétaires, les collaborateurs doivent s'engager à apporter un capital représentant une année de salaire, par prélèvement de 5 % de leur rémunération pendant vingt ans. En cas de démission, le sociétaire est bien entendu remboursé de ses parts de capital. Actuellement, les sociétaires représentent environ le tiers des effectifs de l'A.O.I.P.

Des réformes d'actualité

La coopérative ouvrière de production a apporté depuis longtemps déjà des ré-ponses au grand débat actuel sur la condition ouvrière : — la démocratie dans l'entreprise L'A.O.I.P. est dirigée par un conseil d'administration dont les membres sont élus en assemblée générale, selon la règle : une tête, une voix.

une politique sociale avancée Dans ce domaine, l'A.O.I.P. fait figure de précurseur. Quelques dates le prouveront : la journée de 8 heures en 1905, la semaine anglaise de 5 jours et demi en 1913, la caisse de retraite en 1917 et la création d'une école d'apprentissage la même année, les congés payés d'une semaine en 1925 et la retraite à soixante ans dès 1953.

Aujourd'hui encore la politique sociale de l'A.O.I.P. est largement en avance sur la législation.

la rémunération du travail Pour les coopératives ouvrières de production, la rémunération du travail passe avant celle du capital. Ainsi à l'A.O.I.P., 30% des bénéfices vont à la rémunération du travail, cette part étant statutairement plus élevée que la rémunération du capital A cela s'ajoute le bénéfice d'un accord de participation particulièrement avantageux signé en 1969.

L'un des grands de la commutation téléphonique

La téléphonie, qui représente environ les quatre cinquièmes des activités de l'A.O.I.P., a toujours constitué le moteur de l'expansion de la société.

Agréée depuis 1905 par les PTT, l´A.O.I.P. est aujourd'hui avec LMT, CGCT, CIT-ALCATEL et Ericsson, l'un des cinq grands constructeurs de matériel de téléphonie en France En 1920, les PTT sélectionnent le " multiple extensible " mis au point par l'A.O.I.P., qui équipera pratiquement tous les centraux des villes moyennes. C'est un système très souple qui à l'heure actuelle encore est vendu dans plusieurs pays étrangers. Dix ans plus tard, l'A.O.I.P. est agréée comme constructeur du système R6, matériel de commutation entièrement automatique. Pour les PTT, l'A.O.I.P. fabrique et installe aujourd'hui essentiellement des centraux à commutation électro-mécanique du type Crossbar CP 400, mais également d'autres matériels comme par exemple le Socotel SI, de capacités variables et certains équipements spécifiques, tels que des chaînes de jonction ou des terminaux pour les systèmes de transmission Caducée.

L'A.O.I.P. est certainement en France la première société à avoir abordé sous l'égide du CNET (Centre National d'Etudes des Télécommunications), les techniques de communication temporelle du système Platon. Dans le cadre de SOCOTEL (Société mixte pour le développement de la technique de la Commutation dans le domaine des télécommunications), créée par l'administration des PTT, elle participe à l'étude et au développement des futurs systèmes français de commutation électronique. Pour le ministère de la Défense Nationale, l'A.O.I.P. a équipé la plupart des bases aériennes en équipements électromécaniques classiques. Actuellement, et conjointement avec la SAT (Société Anonyme de Télécommunications), elle expérimente un réseau à commutation électronique temporelle. L'objectif est de réaliser en quatre ans un réseau parallèle à celui des PTT qui reliera entre elles toutes les bases aériennes françaises. Pour la RATP, l'A.O.I.P. a réalisé le système de fermeture des portes et de démarrage progressif des rames de métro. Ce matériel équipe également les métros de Montréal et de Mexico. Enfin, l'A.O.I.P. fournit aux administrations et aux industries privées une gamme très complète de centraux de toutes capacités. Elle a réalisé par exemple les équipements téléphoniques de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la Tour Nobel à la Défense. Actuellement, l'A.O.I.P. dispose d'un nouveau système à commutation électronique spatiale, le système Vesta, qui pour le moment a une capacité maximum de 4 000 lignes.

En matière de téléphonie, l'expansion de l'A.O.I.P. suivra celle des équipements téléphoniques en France, qui se développeront au rythme annuel de 25 % au cours des dix prochaines années.


1 - Atelier de test, de plaques et baies ;

2 - Contactage de lames de relais ;

3 - Câblage des plaques ;

4 - Sondage des baies ;

5 - Contrôle des commutateurs.


Un matériel de très haute précision

La vocation de fabricant de matériel de précision de l'A.O.I.P. devait aboutir en 1924 à la création d'une Division Mesure, et plus précisément de mesure électrique. Dès le départ, l'A.O.I.P. se lance dans les matériels de haute précision (étalon de résistance au 1/10000 par exemple) faisant appel à une technologie avancée. Sa gamme de matériels de contrôle industriels (boîte de résistance, potentiomètre, appareil de mesure électrique, appareils à aiguille de classe 0,5 puis 0,2) a acquis une réputation internationale. Elle a même présenté récemment un étalon 1 Ohm international et un élément Weston, stables à 1.10.6. L'A.O.I.P. a acquis également une place de premier plan dans le matériel d'enseignement qui représente plus d'un tiers des fabrications de la Division. La. Série Assopreci notamment est bien connue. Il s'agit d'une série de boîtes (boîtes de résistance, de capacité, etc.) accouplables pour former des ensembles. Dans ces deux domaines, mesure électrique et matériel d'enseignement, l'A.O.I.P. couvre environ 80% du marché français et réalise près de 30 % de son chiffre d'affaires à l'exportation. Actuellement, les besoins du marché en matériel de mesure électrique tend à se stabiliser, et l'on évolue vers le matériel électronique. Il existe à l'A.O.I.P. une section " électronique " depuis 1949. Parmi ses principales fabrications, tant en matériel de contrôle industriel que d'enseignement, citons : des voltmètres numériques, des centrales de mesure modulaire, des voltmètres de tableau encastrables 2000 et 12000 points (15% du marché français), des voltmètres de table (à tiroir ou multimètre), des amplis sélectifs, des micro-voltmètres, etc. Actuellement le matériel électronique représente environ 35 % de l'activité de la division et son développement devrait représenter environ 50 % en 1973.

Equipements de navigation

La Division " équipement de navigation " est née en 1936, pour répondre à la demande de la marine nationale qui recherchait à l'époque une société capable de fabriquer en France des gyrocompas. De la reconstitution de la flotte française à la Libération jusqu'en 1959, l'A.O.I.P. équipera près de 80 % de la flotte militaire et marchande française. Dans les douze ans qui suivent, l'A.O.I.P. acquiert une expérience technologique de premier ordre en fabriquant, sous licence américaine Arma, l'un des premiers gyrocompas flottant doté d'un système électronique très performant. Elle continue de distribuer en France ce gyrocompas en lui adjoignant des équipements électroniques complémentaires comme des pilotes automatiques ou des commandes automatiques de barre par exemple. Actuellement l'A.O.I.P. étudie à partir d'un brevet de principe du à Arma, un nouveau type de gyrocompas, dit " sec ", dont le fonctionnement est fondé sur le principe de la résonnance mécanique. Parallèlement, l'A.O.I.P. a mis au point des équipements terrestres, dérivés du gyrocompas " sec ", alliant l'électronique à la mécanique de haute précision. Il s'agit en particulier d'un navigateur terrestre, à usage militaire pour l'instant, mais qui aura des retombées civiles, auquel l'armée américaine entre autres s'intéresse particulièrement. C'est actuellement le seul matériel de ce type sur le marché mondial qui ait été expérimenté pratiquement.

L'avance technique prise par l'A.O.I.P. sur ses concurrents européens devrait lui permettre de conquérir un marché international.

Un démarreur basse tension

Fidèle à sa tradition de novateur dans des domaines faisant appel à une technologie avancée, l'A.O.I.P. a créé en 1954 une division Basse Tension, chargée de mettre au point et de commercialiser un nouveau démarreur pour moteur industriel asynchrone de 2 à 1 000 ch. L'originalité de ce matériel est qu'il utilise une résistance liquide diminuant avec l'élévation de la température. Ainsi, si avec une résistance métallique il faut diminuer manuellement la résistance au cours du démarrage, ce qui entraîne des à-coups, la résistance liquide permet un démarrage automatique et progressif. C'est un matériel qui peut être modulé à partir d'éléments standard de 'base combinables et qui est donc adaptable à tous les types de moteurs. Le montage en outre peut être réalisé dans un délai réduit, quinze jours maximum. Les performances exceptionnelles de ce démarreur ont rapidement amené son succès commercial. Les principaux constructeurs de moteurs, français et étrangers, s'y sont intéressés et l'on peut dire qu'ils en ont assuré, en grande partie, la promotion. Ainsi, le chiffre d'affaires de l'A.O.I.P. dans ce secteur a doublé en cinq ans.

Actuellement, l'A.O.I.P. couvre environ la moitié du marché français des démarreurs de moteurs asynchrones, et elle réalise 35 % de son chiffre d'affaires à l'exportation. Sa filiale commerciale en Grande-Bretagne devrait prochainement arriver à un chiffre d'affaires égal à celui réalisé en France.

En outre ces démarreurs sont également fabriqués sous licence dans plusieurs pays étrangers.

Une présence internationale

Pour la commercialisation de ses matériels, l'A.O.I.P. s'appuie sur un réseau de distribution constitué de neuf sociétés installées dans les principales villes de France et une équipe d'ingénieurs tech-nico-commerciaux itinérants. A l'étranger, l'A.O.I.P. dispose de trente-quatre représentations qui couvrent pratiquement tous les grands pays industrialisés.

Une expansion rapide

Dans ses différents domaines d'activité, l'A.O.I.P. connaît un développement rapide, qui l'a amené à se décentraliser. Une première décentralisation a eu lieu à Guingamp en 1965. L'usine emploie actuellement 1 100 personnes. A son stade final, elle aura une superficie de 20 000 m2 et son effectif atteindra 1 400 personnes. Une deuxième usine s'est implantée à Morlaix, en 1970. Ses effectifs, 380 personnes actuellement, devraient passer à 600 à la fin de 1973 et à 1 400 en 1976. La construction d'une troisième usine est prévue pour 1974. Elle devrait être opérationnelle en 1975.

Dans la région parisienne, les installations du treizième arrondissement se sont révélées trop étroites pour répondre aux besoins de l'expansion des télécommunications. Une usine de fabrication de pièces détachées est actuellement en construction à Evry. Cette nouvelle usine couvrira 12000 m2 et emploiera 750 personnes.

A l'heure où l'on parle participation et autogestion, l'A.O.I.P. apporte la preuve qu'une entreprise peut parfaitement faire face à une expansion rapide en s'autofinançant à 75 %. Sa réussite dans le domaine des matériels de précision et des équipements électriques et électroniques faisant appel à une technologie avancée, elle la doit essentiellement à la haute qualité de ses fabrications et à la compétence de son personnel.

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